lundi 25 février 2008

Acte d’engagement de Goma : déjà un chiffon

Face aux entourloupettes du CNDP-Nkunda et des Maï-Maï

Par Le Potentiel

Plus de vingt violations du cessez-le-feu depuis la fin de la Conférence de Goma sur la paix, sécurité et développement des provinces du Nord et du Sud-Kivu ; suspension de la participation du CNDP-Nkunda aux travaux de la Commission de suivi ; retrait du processus de Goma de la composante Maï-Maï. Que reste-t-il encore de l’Acte d’engagement signé à Goma le 23 janvier par toutes les parties ayant pris part à cette conférence ? Plus grand-chose, si ce n’est plus qu’un chiffon bon pour la poubelle et qui sonne sûrement déjà la reprise des hostilités.

Vendredi 22 févier, Le Comité national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda annonçait le retrait de sa délégation de toutes les rencontres initiées dans le cadre de la mise en œuvre de l’Acte d’engagement signé par tous les groupes armés le 23 janvier 2008 à Goma. Acte qui sanctionne les travaux de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord et du Sud-Kivu. Le mouvement rebelle dirigé par Laurent Nkunda s’insurge ainsi contre les allégations, selon lui, faisant état de 30 civils massacrés par les combattants du CNDP entre le 16 et 18 janvier 2008 à Kalonge, dans le territoire de Masisi. Allégations ou accusations portées par le porte-parole de la Monuc.

Aussi, Nkunda exige-t-il qu’une enquête mixte, constituée de la Monuc, du gouvernement congolais et du CNDP soit mise sur pied pour vérifier les faits. Car, dans sa déclaration à la presse, Laurent Nkunda estime que le porte-parole de la Monuc est « allé plus loin », en précisant que des victimes étaient des « Hutu ». Déclaration «grave dans une région très sensible », souligne Nkunda, allant jusqu’à envisager le remplacement de l’actuel porte-parole de la Monuc qui ne « serait pas neutre ».sic

Samedi 23 janvier, c’était le tour des groupes Maï-Maï de se retirer du processus de Goma. Ils justifient leur décision par le non respect du calendrier et du chronogramme des activités de suivi de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement du Kivu.

Ces décisions sont graves de conséquences. Elles portent un coup dur au processus de cessez-le-feu et violent l’Acte d’engagement de Goma tant dans son esprit que dans sa lettre. Car, les groupes Maï-Maï et le CNDP-Nkunda sont deux composantes importantes, signataires de cet acte. Dès lors qu’elles ont décidé de se retirer du processus, il ne reste plus que les FARDC, le gouvernement. Comment alors appliquer ou faire respecter l’acte et les résolutions ou recommandations face à des partenaires qui se disent ne plus être concernées ? Impossible. L’Acte d’engagement vient de voler en éclats. Tout est désormais possible. La reprise des combats au regard des violations répétées du cessez-le-feu n’étonnerait pas.

Sans surprise

Ces derniers revirements ne surprennent pas. Le Potentiel figure parmi ceux-là qui s’inquiétaient de l’après-Goma qui s’annonçait plus difficile que l’avant-Goma. Tout simplement parce qu’au-delà des divergences inter-ethniques, il existe bel et bien des enjeux beaucoup plus importants. Nkunda vient de l’effleurer en parlant « d’une région sensible » lorsque le porte-parole de la Monuc précise que les victimes sont des « Hutu ». Comme s’il venait de lui prêter le flanc, NKunda n’attendait que ce prétexte pour rebondir. En plus de ce fait que cette décision intervient après les incidents de Kamina, poussant le CNDP à crier à la «discrimination » vis-à-vis du gouvernement.

La Conférence de Goma n’est donc pas allée au fond du problème. La guerre du Nord-Kivu a d’autres motivations, d’autres enjeux. Ainsi, ces réactions ne sont là que des entourloupettes pour ramener ces conflits armés aux mêmes dimensions que celles qui ont créé le Kosovo. Ce serait peut-être le vrai agenda caché qui explique justement les enjeux régionaux de l’instabilité au Kivu.

Quant au retrait des Maï-Maï, il ne peut s’agir que des conséquences économiques. Le fait de justifier le retrait par le non respect du calendrier et du chronogramme des activités de suivi de la Conférence de Goma n’est qu’un prétexte. Car, les groupes Maï-Maï font partie de ce mécanisme de suivi. Pourquoi ne pas exercer une pression réelle sur ceux qui retardent les choses plutôt que de les accélérer ? Mais quelles sont ces parties qui trouvent leurs comptes dans ce retard ? Seules la survie, les raisons économiques justifient ce genre de comportements. Tous ces groupes armés ont maintenant peur du lendemain, de perdre « leurs territoires » transformés en eldorado et en far west. Le CNDP-Nkunda ayant fourni le prétexte pour retarder le désarmement, chaque groupe use désormais des subterfuges pour faire de l’Acte d’engagement de Goma un vrai chiffon.

Sortir du tunnel

Ces suspensions ou retraits cachent bien des agendas cachés. Par conséquent, ils appellent à des réactions conséquentes pour sauver la paix en faisant appliquer les résolutions de Goma. Le fait que l’on s’en prenne facilement à la Monuc prouve à suffisance que l’on connaît bien ses limites et celles de la Conférence de Goma. Certes, la Monuc précise bel et bien que l’enquête a été menée de façon professionnelle, sans a priori ni parti pris. Mais quels sont les moyens dont la Monuc dispose pour faire entendre « ses arguments » et dissuader le CNDP à ne pas la narguer en soulevant un « problème passionnel » ? Tant que le mandat de la Monuc ne sera pas requalifié, elle rencontrera des résistances capables d’entamer sa crédibilité, de la tourner en dérision. C’est donc la Communauté internationale, c’est-à-dire Onu, Union européenne, Union africaine, témoins de la signature de cet acte qui sont interpellés, en plus des Etats-Unis.

Mais au plan interne, il est question de s’approprier cette situation et d’en faire réellement une affaire nationale. D’abord, il faut s’empresser de casser cette spirale des « conférences » qui ne profitent qu’à quelques « opportunistes » et « vautours » de mauvais augure.

Il revient au Parlement, Assemblée nationale et Sénat réunis en Congrès, d’endosser les actes de la Conférence de Goma. Question de ne plus laisser à quelques hauts responsables du gouvernement de donner l’impression de mener seul le « grand boulot ».

Certes, réagissant au retrait des Maï-Maï et du CNDP, le ministre d’Etat Denis Kalume, en charge de l’Intérieur déclare que « les actes d’engagement furent signés en fonction de bonne foi des parties. Le gouvernement a pris deux engagements, et ceci sur recommandation de la conférence et à la demande du CNDP. La première recommandation, c’est sur la signature d’une ordonnance créant une structure baptisée Commission mixte pour la paix et la sécurité. Il y a une ordonnance qui a été signée par le président de la République. Cette ordonnance devrait être suivie par une ordonnance de désignation des animateurs de la structure. Tous les groupes ont donné les noms et il n’ y a que le CNDP qui n’a pas encore communiquer les noms de ses délégués. Donc, pour nous, nous avons honoré nos engagements. Nous avons l’obligation d’aller jusqu’au bout. L’objectif, c’est la paix. Et celui qui veut prendre la responsabilité d’étouffer cet esprit dans l’œuf, n’a qu’à prendre cette responsabilité. Mais le gouvernement est décidé à aller de l’avant. Ce processus de paix, nous sommes déterminés à le faire aboutir. Quel que soit le cas, nous devons arriver à la paix même s’il faut l’imposer ».

Belle démonstration de l’élan de détermination de la part du gouvernement. Mais la réussite passe justement par l’implication de toutes les institutions nationales, le recours à des partenaires tout aussi déterminés que le gouvernement à combler les insuffisances d’une armée en pleine restructuration. Au-delà, réactiver une diplomatie tous azimuts pour impliquer les pays voisins, tel que le Rwanda qui n’est nullement étranger à ce qui se passe en RDC au regard de ce prétexte sempiternel sur la présence des Interahamwe, des FDLR. Or, ces derniers se disent non concernés par les Actes de Goma, mais disposent d’une puissance de feu qui fait réfléchir toutes les parties dans le programme DDR.

Au demeurant, l’équation risque de se compliquer davantage dans les prochains jours si Kinshasa ne s’engage pas totalement au plan national et n’implique pas tous les témoins à la signature de l’Acte d’engagement de Goma qui est en train de voler en éclats. Il sera alors difficile de sortir du tunnel.

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