samedi 15 décembre 2007

A Mushake, les insurgés ont chassé l'armée au nom du "général Laurent"

"Général Laurent, vous ne manquerez jamais de combattants", chantent les soldats insurgés de retour à Mushake, verrou stratégique en direction de leurs bastions du Nord-Kivu (est de la République démocratique du Congo), que l'armée a perdu en quelques heures.
La défaite des Forces armées congolaises (FARDC) reste un mystère. Il y a encore cinq jours, les soldats loyalistes étaient déployés par centaines dans les collines avoisinantes, équipés de mitrailleuses lourdes, de lances-roquettes multiples, de radios dernier cri, emplis de l'ivresse d'un succès emporté à coups de canon. La "grande victoire" de Mushake (à 40 km au nord-ouest de la capitale provinciale Goma) avait été saluée par le chef de l'armée comme la première étape avant l'offensive sur les bases de l'ex-général tutsi congolais Laurent Nkunda, plus au nord. Souriant, le colonel dissident Eric Ruhorimbere explique avoir ordonné à ses troupes "un repli stratégique parce que les FARDC étaient nombreux et avaient un armement lourd".
"Nous avons étudié une nouvelle stratégie pour les déloger et nous y sommes parvenus. Les FARDC ont laissé 54 cadavres", dit-il. Mobiles, par petits groupes, les insurgés ont harcelés les FARDC pendant deux jours avant de disparaître. Ils sont revenus en force mercredi après-midi, alors que l'armée "consolidait" des positions sur une colline à 2,5 km au nord et ont porté l'estocade à une troupe surprise et incrédule. Certains militaires loyalistes affirment qu'ils se sont "déguisés en femmes" pour traverser leurs lignes, d'autres crient à la trahison d'officiers supérieurs. Les nkundistes affirment qu'ils ont vaincu portés par leur cause. Dans un village dévasté où les FARDC ont fait sauter des maisons transformées en dépôts de munitions, les jeunes rebelles ont droit à une "causerie morale": discipline et respect de la hiérarchie sont loués en kinyarwanda, langue du Rwanda voisin et parlée par les communautés tutsies et hutues congolaises. Le colonel Ruhorimbere explique que les habitants "commencent à revenir" mais qu'il leur "interdit" d'entrer dans les maisons, qui doivent d'abord être "nettoyées" d'éventuelles munitions abandonnées.
"Les gens veulent nous coller une mauvaise réputation, mais regardez ce que les FARDC ont fait: ils ont pillé tout le village, ils ont même pris les bâches qui couvraient les toits des maisons", s'emporte-t-il. Les insurgés ont commencé à reconstruire leur état-major de campagne, détruit par les bombardements, et disent avoir enterré les morts. Au bord d'un sentier, les orteils d'un soldat dépassent encore d'une tombe fraîchement creusée. Un jeune insurgé vêtu d'un uniforme des FARDC explique que les plus démunis d'entre eux ont emprunté bottes et vestes à ceux qui n'en n'auront plus besoin. Les hommes de Nkunda disent ne "pas vouloir la guerre", mais se défendent pour être "entendus" par Kinshasa. La plus important, c'est le retour de nos parents qui sont éparpillés depuis des années au Rwanda, au Burundi et en Ouganda", explique le colonel, exigeant un "dialogue" pour le retour de ces quelque 40.000 réfugiés tutsis congolais.
Il accuse l'armée d'être appuyée par des rebelles hutus rwandais - dont certains ont participé au génocide de 1994, essentiellement dirigé contre les Tutsis - et assure qu'il se battra tant que ses proches seront menacés. Le colonel Ruhorimbere parle d'expérience. Il était déjà aux côté de Laurent Nkunda en 2004, quand le chef rebelle s'est brièvement emparé de Bukavu, capitale du Sud-Kivu voisin, au nom de la défense de ses "frères tutsis". Pour ce fait d'armes, le "général Laurent" est visé par un mandat d'arrêt pour "crimes de guerre".
AFP

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