jeudi 13 décembre 2007

4 milliards de dollars d’engagements fermes des bailleurs pour la RDC

Deux rendez-vous importants fin novembre dernier à Paris pour la République démocratique du Congo (RDC) : une rencontre avec le Mouvement des entreprises de France (Medef), tenue le 28 novembre suivie de la réunion du groupe consultatif, pilotée par la Banque mondiale, qui s’est tenue les deux jours suivants। Et une très bonne nouvelle : 4 milliards de dollars d’engagements des bailleurs de fonds pour la relance économique du pays, soit quelque 1,3 milliard de dollars par an sur la période 2008-2010।


Athanase Matenda Kyelu, ministre des Finances de la République démocratique du Congo( Photo d’archives : Banque Mondiale)

C’est d’abord avec le secteur privé que se sont entretenus les responsables congolais. Pas moins de 150 chefs d’entreprises - français, congolais et autres nationalités - étaient présents à ce grand rendez-vous, représentant une gamme variée de secteurs d’activités : banques et assurances, mine et énergie, conseil et audit, BTP, hôtellerie, transports, formation, agro-alimentaire, télécommunications, industrie pharmaceutique, etc. La délégation congolaise, qui comprenait entre autres les Ministres des Finances, du Plan, des Mines et de l’Industrie, ainsi que le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), a abordé sans tabou tous les sujets qui intéressaient les investisseurs. Parmi ceux-ci, une question d’importance qui taraude ces derniers : le climat des affaires, jugé encore très problématique. Pour preuve, la RDC a été classée parmi les derniers dans le rapport 2007 du « Doing business » de la Banque mondiale, qui pointe du doigt non seulement la corruption, les manquements en matière d’État de droit, mais également les tracasseries administratives de toutes sortes et la carence en structures appropriées à l’entreprise. Le gouvernement se devait donc de rassurer son auditoire. Côté privé congolais, Albert Yuma, président de la FEC, a informé que la FEC avait établi un état des lieux sans complaisance du pays, portant sur l’environnement institutionnel et réglementaire des affaires ainsi que sur la situation économique, secteurs par secteurs et province par province et proposé une série de pistes de relance.

Côté gouvernement, outre le rappel des réformes déjà réalisées ou lancées, des assurances ont été données. Ainsi, le Gouvernement a pris l’engagement de confirmer son adhésion à l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (Ohada) et de lister l’ensemble des questions qui posent problèmes. « Nous avons demandé une assistance de la Banque mondiale pour qu’ensemble, nous puissions nous attaquer aux questions qui ont constitué des obstacles à l’investissement », a indiqué le ministre des Finances, Athanase Matenda Kyelu. Assurant que le gouvernement est à l’écoute du secteur privé, sur lequel il compte pour relancer l’économie, Olivier Kamitatu, le ministre du Plan, a confirmé la volonté des autorités d’établir un véritable partenariat avec les opérateurs économiques : « avec la FEC, nous avons retenu deux principes. Au niveau du Gouvernement, une commission interministérielle chargée de l’assainissement du milieu des affaires, sera mise en place, et une concertation permanente entre le Gouvernement et le secteur privé instituée, pour passer en revue les différentes questions qui freinent l’investissement », a-t-il déclaré.

Engagement aussi du gouvernement à œuvrer à la consolidation de la paix, à poursuivre les réformes macro-économiques, à améliorer la transparence dans la gestion des finances publiques et le secteur minier, avec notamment l’élaboration d’un plan d’action et d’un budget pour rendre plus efficace l’Initiative de transparence des industries extractives (EITI) à laquelle le pays a adhérée. Parmi les autres chantiers à venir, figurent l’accélération du programme de désengagement de l’Etat des entreprises publiques, la réalisation d’un audit de l’ANAPI (Agence nationale de promotion des investissements), la mise en place de tribunaux de commerce dans chaque chef-lieu de province, l’élaboration de statuts types d’entreprises, pour éviter le recours à un notaire, la simplification du régime fiscal et la révision de codes (investissement, travail…).

Engagement également du gouvernement à développer les infrastructures de transport et l’énergie, qui figurent parmi les gros points noirs du pays. Une question qui devrait trouver un début de réponse avec les 4 milliards de dollars promis. Ce financement, fait de dons et de prêts, grand acquis du groupe consultatif, servira en effet à financer le plan d’actions prioritaires (PAP) du gouvernement adopté en juin 2007, dont l’un des volets est axé sur le renforcement des capacités de l’Etat, notamment l’amélioration de la gouvernance et l’autre sur l’agriculture et les services sociaux ainsi que sur les infrastructures de base, notamment les routes et le transport ferroviaire, et l’énergie.

Les autres acquis du groupe consultatif sont le retour en RDC d’anciens partenaires, comme la Banque européenne d’investissement, l’engagement des bailleurs à libérer en temps réel les fonds promis et à coordonner l’aide pour en accroître l’efficacité et minimiser les coûts de transaction. Enfin, le groupe consultatif a convenu de passer en revue, semestriellement, les progrès accomplis, les contraintes rencontrées, les financements et les risques pour assurer plus de visibilité à la ligne d’action définie à Paris.

Au cours d’une conférence du presse qui a clôturé l’événement, le ministre des Finances a confirmé la conclusion prochaine d’un nouveau programme triennal au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance avec le Fonds monétaire international (FMI). Outre une aide budgétaire dont le pays a bien besoin, cet accord permettra à la RDC d’atteindre le Point d’achèvement de l’Initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) en décembre 2008. Avec à la clef, un allègement de 90 % de la dette publique extérieure, estimée à 14 milliards de dollars. Reste au gouvernement à tenir ses engagements, en mettant en oeuvre les réformes prévues.

Pas de sujet tabou avec le FMI. Ainsi la question des 5 milliards de dollars dont 3 milliards seront en partie consacrés à des infrastructures de transport, que la Chine s’est engagée à prêter au gouvernement, au terme d’un protocole d’accord signé le 17 septembre dernier à Kinshasa, a été débattue. « L’engagement vis-à-vis de la Chine a été abordé avec le FMI. Nous l’avons intégré dans nos discussions et une copie de l’accord a été transmise au fonds », a précisé Matenda. A noter qu’une partie du prêt sera remboursable en titres miniers.

Autant de choses qui devraient rassurer les investisseurs. Reste à savoir dans quels domaines investir. Si tout est à faire ou presque, il y a toutefois des priorités, comme l’agriculture. Pour faciliter l’investissement dans ce secteur, un code agricole et une loi sur la fiscalité agricole sont en cours d’élaboration. Les ministères de l’agriculture et du développement rural ont été fusionnés et une réflexion engagée pour favoriser la production et son évacuation. Dans le secteur minier, l’accent sera mis sur une plus grande transformation des produits exploités et un effort entrepris pour « assainir le milieu en le débarrassant des aventuriers », a souligné le ministre des Mines.

Parmi les branches industrielles à développer figurent l’agro-alimentaire, les matériaux de construction – la demande de ciment devrait exploser avec les programmes de reconstruction en cours ou à venir dans les infrastructures et l’immobilier - la filière bois, la chimie pharmaceutique, la bio-énergie, la métallurgie et les emballages. Autres créneaux d’investissement : l’assurance, le système financier, les télécommunications, les infrastructures et l’énergie, qui peuvent faire l’objet d’un partenariat avec le privé, sous la forme de BOT notamment.

On peut regretter que la question des PME/PMI et de l’apport de la diaspora congolaise à la reconstruction du pays n’ait été plus largement abordée au cours de ces trois journées. C’est en tout cas la préoccupation de François Mambi, sociologue et économiste, chef du projet Formation professionnelle au sein de la Chambre de commerce et d’industrie de Versailles : « la formation n’a pas été suffisamment mise en avant. Il faudrait revoir notre système pour l’adapter aux besoins de l’économie et des investisseurs », a précisé ce dernier, qui espère voir se développer des synergies entre régions françaises et congolaises sur ce plan. D’une manière générale, tout ce qui touche aux ressources humaines est à faire et à structurer. Ainsi, l’absence d’un marché du travail organisé est un vrai problème. Où trouver la main d’œuvre et comment la sélectionner ?

Force est de reconnaître que les opportunités d’investissement ne manquent pas en RDC et que tout le monde y a sa place. Envers ceux qui s’inquiètent de la présence chinoise, le ministre du Plan s’est voulu rassurant : « nous avons besoin de quelque 53 000 km de routes, or les Chinois n’ont pour le moment que 3 000 km de voies à construire ou à réhabiliter ». Les investisseurs n’ont donc que l’embarras du choix. Sauront-ils saisir les opportunités qui s’offrent ?

Parmi ses atouts, la RDC dispose certes de multiples ressources naturelles, mais aussi d’une population jeune et dynamique, qui a su résister durant les années de plomb et faire preuve d’initiatives en montant des activités de toutes sortes। Le secteur informel aurait généré quelque 13 milliards de dollars en 2005/2006 et permis la création 3 millions de petites entreprises parfois réduites à une seule personne। En outre, ce pays constitue un vaste marché de quelque 60 millions d’habitants aujourd’hui, qui passera, selon certaines projections, à 100 millions en l’an 2020 et à 200 millions en 2050। Autant de besoins à satisfaire।Muriel Devey (AEM), Paris

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